Imposition des concubins avec enfants

Le système fiscal actuel ne connaît, outre l'imposition de l'union conjugale, que l'imposition individuelle. Les contribuables qui vivent en concubinage sont donc imposés individuellement comme les autres contribuables. Le présent article, qui complète le blog du 14 septembre 2021 ("Imposition des parents vivant séparés"), met en lumière l'imposition des concubins avec enfants. L'accent est mis sur les prestations d'entretien relevant du droit de la famille entre les concubins ayant des enfants communs.

Les concubins sont imposés individuellement, c'est-à-dire que chaque partenaire doit remplir sa propre déclaration d'impôt. En conséquence, pour les cas d'enfants non communs, il est possible de se référer à l'article de blog du 14 septembre 2021 ("Imposition des parents vivant séparément"). Comme dans le blog du 14 septembre 2020, les présentes explications s'articulent autour des trois niveaux pertinents du point de vue fiscal :

(1) Contributions d'entretien

(2) Déductions sociales

(3) Taux d'imposition

(1) Contributions d'entretien

a) les pensions alimentaires pour enfants

Le mécanisme est fondamentalement simple :

1. Le ou la débiteur(trice) d'aliments peut déduire les aliments versés[i].

(2) En contrepartie, le créancier ou la créancière d'aliments doit payer des impôts sur les pensions alimentaires reçues en tant que revenu[ii].

En droit fiscal, seules les contributions d'entretien effectivement versées et dues sur la base du droit de la famille sont prises en compte. Le fait que le débiteur et le créancier d'une pension alimentaire fassent ménage commun ou non est sans importance. Les dispositions fiscales relatives à la déduction des pensions alimentaires pour enfants ne font pas référence à la relation de ménage. Seul le fondement d'une obligation d'entretien légale, relevant du droit de la famille, est déterminant[iii]. Pour les concubins, un jugement judiciaire ou un accord écrit entre les parties sur la contribution d'entretien à verser devrait en général faire défaut[iv]. Cela n'est pas préjudiciable, pour autant que le paiement effectif de la pension alimentaire soit prouvé. A cet égard, il doit en principe y avoir un flux d'argent d'un compte au nom du débiteur d'aliments vers un compte au nom du créancier d'aliments. Selon un nouvel arrêt du Tribunal fédéral du 28 mai 2021, les paiements sur un compte commun ne peuvent pas être pris en compte[v]. En cas de doute, l'utilisation effective pour l'entretien doit être prouvée, le seul motif de paiement "contribution à l'entretien des enfants" n'étant pas suffisant.

b) Prestations d'assistance entre les concubins

En principe, tous les revenus récurrents et uniques d'un contribuable sont soumis à l'impôt sur le revenu. Sont notamment considérées comme des revenus les prestations en nature telles que la nourriture et le logement gratuits[vi]. En revanche, les prestations fournies en exécution d'obligations découlant du droit de la famille sont expressément exonérées d'impôt.

Comme les prestations entre concubins ne sont pas qualifiées de prestations en exécution d'obligations du droit de la famille, puisque les concubins ne se doivent pas, de par la loi, une assistance mutuelle, le concubin qui les reçoit devrait en fait comptabiliser la contribution (en nature) comme un revenu.

Dans la pratique, les autorités fiscales ne déduisent pas de salaire (en nature) pour le concubin qui tient le ménage. Par conséquent, ces prestations ne peuvent pas non plus être déduites du revenu du concubin qui les fournit[vii]. Une autre manière de procéder serait d'une part difficilement praticable et d'autre part peu convaincante. En effet, le concubinage n'est pas un rapport de service, mais une communauté semblable au mariage[viii].

(2) Déductions sociales

Dans les cas où des contributions d'entretien pour l'enfant sont versées par l'un des concubins à l'autre concubin, le parent qui reçoit les contributions d'entretien peut demander la déduction pour enfants ainsi que la déduction pour les primes d'assurance et les intérêts de capitaux d'épargne pour l'enfant[ix].

Dans le canton de Lucerne, les déductions sociales (déduction pour enfants, déduction pour les assurances et les intérêts de capitaux d'épargne, ainsi que les frais de garde des enfants) sont partagées par moitié dans les cas où aucune pension alimentaire n'est demandée[x]. D'autres cantons prévoient parfois une autre clé de répartition, par analogie aux barèmes fiscaux (voir ci-après), ou une forme mixte.

Pour le reste, il convient de se référer au billet de blog du 14 septembre 2020.

(3) Taux d'imposition

La détermination du barème se fait en principe de la même manière que l'attribution des déductions sociales. C'est-à-dire que le débiteur d'aliments est imposé au barème normal et le créancier d'aliments au barème familial[xi].

Lors de la détermination du barème, dans les cas où il n'y a pas de pension alimentaire pour un enfant commun, le concubin qui a le revenu le plus élevé est en principe imposé au barème familial et l'autre concubin au barème normal. Cette règle découle de la présomption selon laquelle celui qui a le revenu le plus élevé contribue davantage à l'entretien de l'enfant. En revanche, si les concubins prouvent que les deux parents contribuent à parts égales à l'entretien de l'enfant, le parent qui a le revenu le plus faible bénéficie du barème familial[xii].

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[i] Art. 33 al. 1 let. c LIFD ; § 40 al. 1 let. c LT/LU.

[ii] Art. 23 let. f LIFD ; § 30 let. f LT/LU.

[iii] Cf. arrêt du TF 2A.37/2006 du 1er septembre 2006 consid. 3.1.

[iv] Cf. art. 298a CC, selon lequel l'autorité parentale conjointe peut être établie par déclaration à l'office de l'état civil ou à l'autorité de protection de l'enfant. Dans ce cas, il suffit que les parents déclarent s'être mis d'accord sur la garde et les relations personnelles ou sur les parts de prise en charge ainsi que sur la contribution d'entretien pour l'enfant. Il n'est notamment pas nécessaire de conclure un accord écrit sur les modalités entre les parents ni de fixer une contribution d'entretien [voir les recommandations de la COPMA du 13 juin 2014, Mise en œuvre de l'autorité parentale conjointe en tant que règle (en particulier ch. 3.3.1 et 3.3.2)].

[v] Voir l'arrêt du TF 2C_380/2020 du, in : iusNet du 28 mai 2021 ; également l'arrêt du VGer ZH du 18 août 2004 consid. 3, in : StE 2005 B 27.2n° 28 ; de même, pour des explications détaillées, nous renvoyons au billet de blog du 14 septembre 2021 ("Besteuerung von getrenntlebenden Eltern").

[vi] Art. 16 LIFD ; § 23 StG/LU.

[vii] Voir par exemple explicitement pour le canton de Berne ou pour le canton des Grisons.

[viii] Ainsi, décision de la commission de recours en matière fiscale OW VVGE 1997/98 n° 11, p. 38.

[ix] Circulaire AFC n° 30, Imposition du couple et de la famille, ch. 14.7.2 ; Steuerbuch Luzern,§ 42 n° 3 ch. 6a.

[x] Steuerbuch Luzern, § 42Nr. 2 ch. 1.4 et § 42 Nr. 3 ch. 6b; cf. aussi circulaire AFC n° 30, Imposition du couple et de la famille, ch. 14.8.1.

[xi] Circulaire AFC n° 30, Imposition du couple et de la famille, ch. 14.9.3.

[xii] ATF 141 II 338 consid. 6.3.2 ; Circulaire AFC no 30, Imposition du couple et de la famille, ch. 14.4.2.