BEPS 2.0 - Chronologie sur la taxation de l'économie numérique

Au cours des dernières décennies, la numérisation et la mondialisation ont permis aux entreprises d'optimiser leurs processus et leurs chaînes d'approvisionnement, y compris d'un point de vue fiscal, et de répartir les bénéfices de manière fiscalement optimale au sein de leurs activités transfrontalières. En réaction à cette évolution, les États ont renforcé leur coopération dans le domaine fiscal et ont cherché des réglementations visant à limiter les possibilités d'optimisation fiscale transfrontalière légale. Ces efforts ont finalement été réunis au sein de l'OCDE et traduits en mesures concrètes dans le cadre du projet BEPS. L'objectif du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l'OCDE et du G20 est, entre autres, de mieux appréhender l'économie numérique à l'aide d'un plan à deux piliers et de nouvelles règles d'imposition. Afin que vous puissiez garder une vue d'ensemble de ces développements, nous avons résumé ci-dessous les principales étapes de BEPS 1.0 à BEPS 2.0 dans une chronologie :

BEPS 1.0 - Première phase du BEPS projet OCDE/G20

BEPS-Projet Action point 1 : (10/2015)

L'OCDE a publié les rapports finaux en 15 points du projet BEPS le 5 octobre 2015. Le rapport final sur le point d'action 1 contient une analyse des défis fiscaux posés par l'expansion de l'économie numérique. Le rapport constate que certains modèles d'entreprise et certaines caractéristiques clés de l'économie numérique peuvent exacerber les risques de BEPS, tels que l'évasion fiscale et le transfert de bénéfices, et montre l'impact attendu des mesures élaborées dans le cadre du projet sur ces risques. En outre, le rapport analyse également les options permettant de relever les défis fiscaux de l'économie numérique et souligne qu'il faut continuer à suivre l'évolution de l'économie numérique. Surtout, le rapport ne contient que des approches de solutions et aucune recommandation concrète. À l'époque, il n'était pas encore possible de procéder à une évaluation concluante des problèmes liés à la numérisation. Bien qu'il y ait eu un consensus sur le problème de base, les États membres du projet BEPS et les autres parties prenantes n'ont pas encore pu se mettre d'accord sur des mesures concrètes en raison de positions et d'idées divergentes.

Conseil fiscal international

Aperçu BEPS-Projet Point d'action 1 Chronologie sur la taxation de l'économie numérique, reprise de Bucher Tax.

BEPS 2.0 - Deuxième phase du BEPS projet OCDE/G20

Rapport intermédiaire 2018 : (03/2018)

Le Cadre inclusif OCDE/G20, établi en 2016, a été mis en place pour garantir que les pays et juridictions intéressés, y compris les pays en développement, puissent participer sur un pied d'égalité à l'élaboration de normes sur les questions liées au site BEPS, tout en examinant et en surveillant la mise en œuvre du projet OCDE/G20 BEPS. Le Cadre inclusif comprend non seulement tous les États membres de l'OCDE, mais aussi plus de 100 autres pays. Actuellement, le Cadre inclusif compte 140 pays et territoires. Le rapport intermédiaire 2018 du cadre inclusif pour BEPS a présenté l'orientation des travaux convenus dans le cadre inclusif sur la numérisation et les règles fiscales internationales jusqu'en 2020. Le rapport intermédiaire a ensuite montré l'impact de la numérisation sur d'autres domaines du système fiscal et comment les nouveaux outils mis à la disposition des autorités fiscales peuvent permettre d'améliorer les services aux contribuables, de rendre plus efficace le recouvrement des impôts et de détecter l'évasion fiscale. Toutefois, ce rapport ne contient pas non plus de recommandations.

Conseil fiscal international

Note de politique générale de la TFDE : (01/2019)

En janvier 2019, la TFDE (Task Force on the Digital Economy en tant que sous-commission du Comité des affaires fiscales) a publié des premières approches des défis fiscaux de la numérisation de l'économie dans une note politique. Dans ce projet, l'OCDE poursuit un modèle à deux piliers sur un pied d'égalité : le pilier 1 commence par une redistribution des droits d'imposition et du nexus, et le pilier 2 vise à garantir un certain niveau minimum d'imposition.

Consultation publique sur les défis fiscaux de la numérisation : (02-03/2019)

Les 13 et 14 mars 2019, l'audition publique du projet de TFDE a eu lieu à Paris. L'audition a été suivie par plus de 400 représentants d'entreprises, d'universités, d'administrations publiques et d'ONG, qui ont soumis des observations écrites avant la consultation basée sur le projet de janvier 2019. Les différents groupes d'intérêt ont exprimé leur compréhension de principe pour le projet en ce qui concerne le premier pilier. Les propositions du deuxième pilier ont été accueillies avec un scepticisme général par les différents groupes de parties prenantes. Les commentaires fournis sont destinés à aider les membres du Cadre inclusif des deux à élaborer une solution pour un rapport final au G20 en 2020.

Programme de travail visant à élaborer une solution consensuelle aux défis fiscaux découlant de la numérisation de l'économie : (05/2019)

En mai 2019, l'OCDE a annoncé que la communauté internationale s'était mise d'accord sur un programme de travail reposant sur deux piliers. Cela a démontré la volonté des membres du Cadre inclusif de se mettre d'accord sur une solution globale et durable avant l'échéance convenue de 2020. Le programme de travail reprend l'état intermédiaire sur le développement d'un nouveau système de taxation à partir de janvier 2019 et les résultats des consultations publiques à partir de mars 2019. Le programme de travail propose les deux piliers suivants :

  • Le premier pilier explore les solutions permettant de déterminer où et sur quelle base les impôts doivent être payés et quelle proportion des bénéfices doit être imposée dans les États où se trouvent les consommateurs ou les utilisateurs.
  • L'introduction d'une imposition minimale effective au niveau mondial vise à mettre fin à une concurrence fiscale internationale de plus en plus dommageable dans le cadre d'un deuxième pilier.

Outre l'examen de ces deux piliers, le programme de travail prévoit également une analyse économique et une évaluation d'impact. Des événements d'information sur le thème de la numérisation sont également prévus en coopération avec des organisations régionales et des banques de développement.

Consultation publique sur le Pilier 1 - Approche unifiée : (11/2019)

La consultation publique sur le premier pilier décrit l'"approche unifiée" proposée par l'OCDE pour le premier pilier et invite le public à formuler des commentaires sur un certain nombre de questions politiques et d'aspects techniques. Les commentaires reçus devraient aider les membres du Cadre inclusif à élaborer une solution pour le rapport final au G20 en 2020.

Consultation publique sur le pilier 2 - Global Anti-Base Erosion (GloBE) : (12/2019)

La proposition Global Anti-Base Erosion (GloBE) contient des règles visant à atteindre une imposition minimale des groupes internationaux. La consultation publique de décembre 2019 sur le pilier 2 a porté sur des questions techniques relatives à la proposition GloBE. Les commentaires sur tous les aspects du programme de travail du pilier 2 étaient les bienvenus, notamment sur les trois aspects techniques suivants :

  1. L'utilisation des comptes financiers comme point de départ pour la détermination de l'assiette fiscale ;
  2. La mesure dans laquelle une société multinationale peut combiner le revenu et les impôts de différentes sources pour déterminer le taux d'imposition effectif (mixte) sur ce revenu ; et
  3. Les expériences et les points de vue des parties prenantes sur les exemptions et les seuils qui pourraient être envisagés dans le cadre de la proposition GloBE.

Les commentaires soumis devraient à leur tour aider les membres du Cadre inclusif à élaborer une solution pour le rapport final destiné au G20 en 2020.

Déclaration du cadre inclusif OCDE/G20 sur l'approche à deux piliers : (01/2020)

Les membres du cadre inclusif réaffirment leur volonté de parvenir à un accord sur une solution consensuelle d'ici la fin de 2020. Dans le cadre de la poursuite du développement des deux piliers, le cadre inclusif a donc convenu d'une ébauche de l'architecture d'une approche unifiée pour le premier pilier comme base de négociation et a salué les progrès réalisés sur le deuxième pilier.

Publication des plans du pilier 1 et du pilier 2 : (10/2020)

Le 12 octobre 2020, le Cadre inclusif a publié un paquet composé des projets relatifs aux piliers 1 et 2. Ces projets reflètent la convergence de vues sur bon nombre des principales caractéristiques, principes et paramètres politiques des deux piliers et mettent en évidence les questions techniques et administratives restantes ainsi que les questions politiques sur lesquelles les membres du Cadre inclusif ont encore des avis divergents. Selon le paquet, une solution basée sur le consensus, composée de deux piliers, est d'une part essentielle pour garantir l'équité et la justice dans les systèmes fiscaux étatiques et pour renforcer le cadre fiscal international face aux nouveaux modèles d'entreprise en pleine évolution. D'autre part, le paquet peut également contribuer à rétablir les finances publiques sur une base durable. La pression publique pour que les grandes entreprises rentables et actives au niveau international paient leur juste part et ce, conformément aux nouvelles règles fiscales internationales, s'est accrue suite à la pandémie actuelle du COVID-19. Selon le rapport, une solution basée sur le consensus pourrait en même temps garantir aux entreprises la sécurité fiscale nécessaire et contribuer ainsi à la reprise économique.

Consultation publique sur les plans des premier et deuxième piliers : (01/2021)  

Le Cadre inclusif accueille favorablement les contributions des parties prenantes aux plans des piliers 1 et 2. Des réunions de consultation publique en janvier 2021 aideront les membres du Cadre inclusif à élaborer le paquet et à clarifier les questions en suspens.

Avis sur une solution à deux piliers pour relever le défi fiscal de la numérisation de l'économie : (07/2021) 

L'accord multilatéral prévu dans le cadre de BEPS 2.0 a progressé début juillet 2021 avec une prise de position du Cadre inclusif de l'OCDE/G20 sur l'accord d'une solution à deux piliers pour relever le défi fiscal de la numérisation de l'économie.

BEPS 2.0 Statut de la décision : (07/2021)

Le projet BEPS 2.0 de l'OCDE a été adopté lors de la réunion des ministres des finances du G20 les 09/10 juillet 2021. Selon l'OCDE, les nouvelles dispositions des deux piliers devraient entrer en vigueur en 2023 :

Pilier 1 - Réallocation des droits d'imposition

Le premier pilier vise à assurer une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d'imposition entre les États en ce qui concerne les plus grandes entreprises multinationales, y compris les entreprises numériques. Le premier pilier déplacerait certains droits d'imposition des multinationales de leur État d'origine vers les marchés sur lesquels elles exercent leurs activités et génèrent des bénéfices, que les entreprises y aient ou non une présence physique. Dans le cadre du premier pilier, plus de 100 milliards de dollars de substrat d'impôt sur les bénéfices devraient être redistribués aux États de marché chaque année. Le premier pilier s'applique aux entreprises de tous les secteurs dont le chiffre d'affaires global est supérieur à 20 milliards d'euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 %. Le premier pilier vise principalement à taxer l'économie numérique.

Pilier 2 - Mécanisme global contre l'érosion de la base d'imposition

Le deuxième pilier vise à limiter la concurrence sur le site CIT en introduisant un taux minimum mondial d'imposition des bénéfices que les États peuvent utiliser pour protéger leur assiette fiscale. Le deuxième pilier doit s'appliquer aux entreprises multinationales dont le chiffre d'affaires mondial est supérieur à 750 millions d'euros. Le taux d'imposition effectif minimum doit être d'au moins 15 %. On estime que l'impôt mondial sur les bénéfices minimums, qui relève du deuxième pilier, devrait générer environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales mondiales supplémentaires par an. Selon l'OCDE, il existe d'autres avantages, notamment en ce qui concerne la stabilisation du système fiscal international et la sécurité fiscale accrue pour les contribuables et les administrations fiscales.

Déclaration Cadre inclusif et communiqué de presse du DFF sur BEPS 2.0 : (10/2021)

Le 8 octobre 2021, le Cadre inclusif de l'OCDE avec 140 Etats membres, dont la Suisse, a précisé les points clés de la future fiscalité internationale des entreprises déjà publiés en juillet 2021. Les points importants qui ont été clarifiés depuis pour la Suisse sont les suivants :

  • Les nouveaux droits d'imposition s'avèrent modérés pour les pays de marché.. ;
  • Les taxes numériques unilatérales doivent être abolies sur une base contraignante ;
  • Un taux de 15 % doit être appliqué pour l'imposition minimale globale ;
  • Une introduction progressive des règles d'imposition minimale est prévue, ce qui est d'une importance capitale pour la Suisse dont le processus législatif est long.

Selon les déclarations du conseiller fédéral Ueli Mauer lors de la réunion ministérielle de l'OCDE à Paris les 5 et 6 octobre 2021, une imposition minimale de 15% est envisageable pour la Suisse. Le ministre des Finances a toutefois émis des critiques à l'égard du calendrier de l'OCDE, qui ne tient pas encore suffisamment compte des processus législatifs nationaux. La Suisse ne sera pas en mesure de mettre en œuvre les nouvelles règles d'ici 2023.

Dans les mois à venir, les points ouverts existants pour la Suisse seront précisés. D'ici à la fin mars 2022, le Département fédéral des finances (DFF), en collaboration avec d'autres départements et avec la participation des cantons, des villes, des entreprises et des milieux universitaires, élaborera à l'attention du Conseil fédéral des propositions qui seront acceptées au niveau international et qui offriront aux entreprises suisses les meilleures conditions possibles pour une croissance durable à l'avenir.