Discussion fiscale de l'OCDE #9 - 16 mars 2018

La numérisation de l'économie constitue sans aucun doute un nouveau défi pour la communauté fiscale internationale. Dans le cadre du projet BEPS de l'OCDE, le rapport intermédiaire du 16 mars 2018 a examiné un large éventail de solutions proposées et les positions respectives des États.

La taxation de la consommation comme solution possible dans l'économie numérique est probablement l'une des questions les plus controversées parmi les différents États membres. Les États européens sont favorables à une telle taxation - tandis que les États-Unis s'y opposent avec véhémence. La raison en est évidente : les bénéfices des sociétés sont imposés dans le lieu où la société a son siège. Les entreprises internationales telles que Facebook, Google, etc. sont principalement situées aux États-Unis. Si une taxe sur la consommation était introduite, cela entraînerait un effondrement des recettes fiscales pour le trésor américain.

La Suisse est également sceptique quant à cette taxe sur la consommation. D'une part, les nouveaux revenus pourraient avoir un effet positif sur le trésor public, d'autre part, l'imposition de la consommation est contraire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Jusqu'à présent, cela a permis à la Suisse de bénéficier d'un substrat fiscal considérable de la part des sociétés internationales. Une analyse précise des effets de ces nouvelles règles fiscales sera effectuée à l'avenir - mais il semble clair que le Trésor suisse devra accepter des restrictions à l'avenir.

Le Tax Talk #9 sur la numérisation de l'économie

Le 16 mars 2018, Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales, accompagné de David Bradbury, responsable de la politique et des statistiques fiscales, d'Achim Pross, responsable de la coopération internationale et de l'administration fiscale, de Giorgia Maffini, responsable adjointe de la division de la politique et des statistiques fiscales, de Caroline Malcom, conseillère principale du directeur et directrice adjointe, et d'Eric Robert, Adivsor Tax and Digitalisation, ont rendu compte, pour la première fois de la nouvelle année, dans un webinaire.

Pascal Saint-Amans a commencé le webinaire en revenant sur l'année 2015, lorsque les rapports finaux des 15 points d'action du site BEPS ont été soumis aux pays du G20. En ce qui concerne le point d'action 1 sur les défis fiscaux de l'économie numérique, il a été convenu à l'époque qu'il fallait moins parler d'"économie numérique" que de "numérisation de l'économie". Parce que la numérisation ne pouvait pas être limitée, elle englobait l'ensemble de l'économie et s'il y avait des défis fiscaux, ils existaient pour l'ensemble de l'économie. Il a également été décidé qu'un rapport d'étape sur ce sujet serait établi d'ici 2020. En mars 2017, les pays du G20 ont toutefois demandé à l'OCDE de remettre un rapport intermédiaire d'ici avril 2018. La Task Force sur l'économie numérique (TFDE) a pu publier ce rapport intermédiaire un peu plus tôt, le 16 mars 2018, et le présentera lors de la réunion du G20 à Buenos Aires.

Le rapport intérimaire comprend huit chapitres. Pascal Saint-Amans a mis l'accent sur les points suivants : Il existe un consensus mondial sur l'urgence de s'attaquer ensemble aux problèmes liés à la numérisation de l'économie et d'élaborer des solutions d'ici 2020. Selon M. Saint-Amans, il existe également un consensus sur la complexité de la question. Néanmoins, les États envisagent chacun les solutions les plus diverses. "Les gens ne doivent pas s'attendre à une solution magique à partir de ce rapport", a prévenu M. Saint-Amans. Avec son analyse approfondie, le rapport intermédiaire ne fait que préparer le terrain pour surmonter les différences existantes entre les États et pour adapter et mettre en œuvre des solutions à long terme dans les plus brefs délais.

Modèles d'entreprise

Giorgia Maffini a présenté le chapitre deux du rapport intitulé "Digitalisation, modèles d'entreprise et création de valeur". Maffini a admis avoir été confronté au départ à une énorme complexité des différents modèles d'entreprise. Dans ce chapitre, ils ont donc tenté de réduire cette complexité à un ensemble gérable de caractéristiques clés de ces entreprises numérisées. Grâce à une consultation multipartite organisée à l'université de Berkeley le 1er novembre 2017, les trois caractéristiques clés suivantes ont été identifiées :

Suivi de la mise en œuvre BEPS

Eric Robert a d'abord abordé le chapitre trois du rapport intermédiaire et donc la mise en œuvre et les effets du projet BEPS. Dans ce chapitre, la task force s'est principalement concentrée sur les points d'action 1, 3 et 5 à 10 du projet BEPS, qui ont été identifiés comme particulièrement pertinents en ce qui concerne la numérisation de l'économie. Si ces mesures ont eu des résultats positifs sur les questions spécifiques au site BEPS, elles n'ont eu qu'un impact limité sur les défis généraux dans le domaine de la fiscalité directe.

Ensuite, Eric a donné des informations sur le chapitre quatre intitulé "Développements pertinents de la politique fiscale". La task force a tenté d'identifier et d'analyser les mesures non coordonnées des différents États membres qui vont au-delà des mesures du site BEPS et qui sont pertinentes pour la numérisation de l'économie.

Défis fiscaux restants

David Bradbury a traité le chapitre cinq du rapport intermédiaire, qui vise à adapter les règles fiscales internationales à la numérisation de l'économie. Tout d'abord, il a souligné que les règles de nexus et les règles de répartition des bénéfices sont les règles de base du système international d'imposition des revenus.

Cependant, la manière d'adapter le système fiscal international à la numérisation fait encore l'objet de divergences de vues entre les pays. Le rapport intermédiaire résume les différents points de vue dans trois groupes de pays :

Le premier groupe d'États est d'avis que le lieu d'imposition des bénéfices n'est plus identique au lieu de création de la valeur. Le deuxième groupe d'États est d'avis que les défis ne concernent pas seulement les entreprises hautement numérisées, mais que les modifications de la fiscalité devraient s'appliquer à l'ensemble de l'économie. Le troisième groupe d'États est fondamentalement satisfait du système fiscal actuel et estime qu'aucune réforme fondamentale n'est nécessaire pour le moment. Selon Bradbury, une tentative de surmonter ces divergences est désormais imminente.

Mesures provisoires

Achim Pross a présenté les solutions possibles à court terme et les mesures provisoires (chapitre six). Toutefois, en ce qui concerne la conception des solutions possibles à court terme, il n'y a pas de consensus général entre les États membres. Pour cette raison, le rapport intermédiaire ne recommande pas l'introduction de tels arrangements. Là encore, il y a deux positions des États membres.

Les pays qui s'opposent à ces arrangements à court terme le justifient comme suit : Les solutions temporaires peuvent avoir des conséquences négatives sur le bien-être, l'innovation et l'investissement. Il y a aussi une inquiétude constante que ces solutions puissent devenir permanentes et nullement temporaires. L'augmentation des charges et des coûts administratifs est un autre argument.

D'un autre côté, il y a les États qui préconisent des solutions temporaires et estiment qu'il est politiquement nécessaire de trouver une solution globale. Ils ont développé des principes pour la conception de solutions temporaires : Seules des approches temporaires doivent être utilisées, qui ne torpillent en rien les accords fiscaux individuels. L'utilisation de ces mesures de manière ciblée est la bonne approche pour minimiser la surtaxation, la complexité et les coûts.

Caractéristiques spéciales

La dernière information de Caroline Malcom concerne le chapitre sept du rapport intérimaire concernant l'influence de la numérisation sur d'autres aspects du système fiscal international. Par exemple, le big data et de meilleurs services en ligne devraient améliorer la conformité fiscale. À la fin, Caroline a souligné que la numérisation offre de nombreuses opportunités et outils nouveaux, mais aussi de nouveaux défis et risques, comme le montre le débat actuel sur les crypto-monnaies et la blockchain.

Conclusion

Pascal Saint-Amans a conclu le neuvième Tax Talk par quelques mots sur les prochaines étapes de la Task Force. L'objectif est maintenant de pouvoir régler les différends existants entre les États. " La prochaine étape pour vous est de lire le rapport", a insisté M. Saint-Amans avec un clin d'œil. L'équipe autour de Pascal Saint-Amans veut faire un rapport dans quelques semaines.

La Suisse s'est également penchée sur le rapport intermédiaire du 16 mars 2018. Le 15 janvier 2019, le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI) a publié une position actualisée de la Suisse sur la taxation de l'économie numérisée.